D'un côté, ceux qui disent qu'on facilite là l'accès à un univers exposé aux dangers objectifs: séracs du Requin, crevasses de la salle à Manger, sortie de la mer de Glace... De l'autre, ceux qui rappellent que sur cette arête effilée (1 500 m de vide à gauche, 200 à droite), l'équipement de cordes fixes, de pieux et d'un cheminement a sauvé des vies. «On a beau communiquer, rappeler que la vallée Blanche est un itinéraire de montagne, il y en aura toujours qui iront sans le matériel adéquat pour descendre l'arête, les crampons notamment. Bref, on ne peut pas gérer l'affluence sur cette arête sans l'aménager», estime David Ravanel, chargé de la prévention à Chamonix. Depuis les années 60, l'équipement de cette "porte d'accès" était l'affaire de la société exploitant le téléphérique. À l'entame des années 2000, dans un contexte d'évolution climatique mais aussi de consumérisation de la montagne, la question de l'arête s'est posée avec plus d'acuité. Au même titre que le mont Blanc, la vallée Blanche apparaissait surfréquentée. Aussi un groupe de travail était créé fédérant toutes les expertises (guides, commune, peloton de gendarmerie de haute montagne...) pour décider ou non d'équiper l'arête au vu des conditions d'enneigement de l'itinéraire. Seulement, en terme de responsabilité cette logique avait atteint ses limites pour un secteur hors-piste. Aussi mardi dernier, lors d'une réunion des acteurs de la sécurité en montagne, était-il décidé de dissoudre ce groupe de travail qui ressemblait fort à une commission d'ouverture mais surtout de dissocier l'équipement de l'arête et l'état d'un itinéraire de haute montagne où personne peut appréhender de manière exhaustive les risques. Les séracs du Requin, avec le décollement de la langue du glacier de l'Envers du Plan sont-ils plus dangereux? Certains ont même évoqué l'idée de "miner" ce bout de glacier qui surplombe la voie classique. Personne ne peut dire avec certitude quand ces blocs de glace peuvent tomber et toute ingérence humaine dans un site naturel semble mal venue. Pour le commandant Lavergne, patron du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Haute-Savoie il faut revenir à une évidence: «La vallée Blanche c'est beau, mais c'est dangereux. Les séracs sont menaçants? Pas plus, pas moins qu'avant.» Xavier Chappaz, président de la compagnie des guides, ne dit pas autre chose. «Ce n'est pas d'hier qu'on sait que les séracs peuvent tomber en montagne.» Bref d'un commun accord il a été décidé que désormais l'arête serait équipée du début à la fin de la saison. Un aménagement qui variera au gré de l'état de la crête et de son "englacement". «On lève ainsi une ambiguïté. La vallée Blanche ne s'ouvre ou ne se ferme pas comme une piste. On équipe l'arête pour désengorger la gare d'arrivée du téléphérique, c'est tout. Après, ceux qui y vont sont informés qu'ils skient sous leur propre responsabilité», précise le patron du PGHM. Le dispositif d'information, déjà bien rodé, sera affiné. Jean-Louis Verdier, adjoint sécurité montagne à Chamonix rappelle que la descente en téléphérique est gratuite: «Là-haut, il est toujours temps pour ceux qui ne se sentent pas de faire demi-tour.»