Leur métro, c'est le téléphérique de l'aiguille du Midi. Leur usine, le massif du Mont-Blanc. Leur atelier, le refuge du Requin, perché à 2 500 m d'altitude, au coeur de la vallée Blanche, la plus belle descente des Alpes. Ces saisonniers particuliers doivent impérativement aimer le ski. Car au terme de leur CDD, fin avril, selon la météo, ils auront à leur compteur pas loin de 50 "vallée Blanche", soit 130 000 m de dénivelé dans les jambes. Le record de Yannick Pareau, fils des gardiens du refuge, 85 descentes, n'est pas près d'être battu. Thomas Vorstermans, prof de hip hop, arrive des Cévennes où il n'avait pour seul relief que les hauteurs du mont Aigoual. Il a embrigadé son compatriote cévenol Yoann Robain, qui a fait une courte expérience en station, à Megève. À 19 et 20 ans, dès qu'ils ont vu cette annonce hors normes, ils ont sauté sur l'occasion. «C'est l'endroit, le massif du Mont-Blanc, et puis le ski qui nous ont motivés. C'est autre chose que la plonge en bas dans la vallée.» Le troisième de l'équipe, Nuru Sherpa, est népalais. Il a fait deux fois l'Everest et c'est un solide. Tous les matins, par grand beau, ils descendent l'arête de l'aiguille du Midi, crampons aux pieds, encadrés par Gilbert Pareau, le gardien du Requin, par ailleurs guide à la Compagnie de Chamonix. Cette arête effilée, elle les a impressionnés la première fois. Depuis, ils sont blasés. «Ça réveille quand on a pris la première benne à 8 heures» assure Thomas. Ce lundi matin, le thermomètre affiche -22 à la sortie du téléphérique. De la rigolade à côté des -35 de la semaine dernière. Et pourtant, ils n'échangeraient pas leur place avec un plagiste à la Martinique. Pour Gilbert et son épouse Annick, les hôtes du Requin, le recrutement n'est pas toujours aisé. Sur l'annonce à l'ANPE, il est bien précisé dans les critères : "Sachant impérativement skier !". Seulement, tout est relatif. Gilbert le sait : «Y en a, ils te disent qu'ils ont fait les noires de Courchevel. Mais là, c'est pas la même. Combien de fois, après deux virages, au pied de l'arête, j'ai été obligé de remonter.» Et de trouver un autre saisonnier que la trafolée, la poudre et la croûte ne rebutent pas.