CHAMONIX: Les confidences de Clint Eastwood

Un hospice quelque part en Suisse dans un décor de montagne. Cécile de France, talons hauts, grâce et élégance chics, sort d'une berline noire. Journaliste, elle vient de survivre à un tsunami. Elle s'intéresse à l'au-delà et vient dans ce centre médicalisé en soins palliatifs rencontrer un médecin, interprété par l'actrice suisse Marthe Keller, qui travaille sur ce thème des frontières de la vie et la mort depuis des années. Voilà en quelques mots le "pitch" de la séquence tournée hier dans le haut de la vallée de Chamonix au petit hameau du Planet. L'une des toutes premières d'un film américain à la distribution internationale, intitulé "Here after" (l'Au-delà). Derrière la caméra, un homme au visage émacié, couvert d'un chapeau qui rappelle ses années "western spaghetti". Clint Eastwood. Ici, tout le monde l'appelle le chef. Respect. Les petites mains qui œuvrent sur la production ont pour consigne de ne point -trop- l'approcher, directive dispensée par des régisseurs et encadrants zélés. Il faut dire que le réalisateur entend conserver le plus grand mystère autour de son dernier film dont le tournage débute à peine. C'est l'acteur américain Matt Damon qui tient le haut de l'affiche. Mais sur ces 24 heures de tournage à Chamonix, le copain de Brad Pitt faisait relâche. Et dans le frimas chamoniard hier matin, Cécile de France s'y est collée. Elle est apparue frigorifiée, écoutant avec la sagesse de l'élève appliquée les consignes de Monsieur Clint, très attentionné et souriant avec sa recrue. Quand elle a appris qu'elle était choisie pour être son interprète, elle avait d'ailleurs déclaré, telle une adolescente groupie : « Ca me fait l'effet d'une bombe atomique. » "I love Chamonix" Pour ces scènes censées se dérouler dans un hospice helvétique, la production voulait un bâtiment un peu vieillot, façon sanatorium. Avant d'opter pour la belle résidence du Planet, un ancien hôtel Belle Époque, où le navigateur Éric Tabarly était résident secondaire, ils ont prospecté du côté des "sana" du plateau d'Assy. Mais, le côté désuet du lieu, son calme et sa vue imprenable sur la chaîne du Mont-Blanc ont convaincu l'entourage de Clint Eastwood. Hier, un important cordon sanitaire était organisé pour empêcher toute intrusion d'individus extérieurs ; les producteurs américains faisant la chasse aux appareils photos, y compris les petits Reflex des occupants des chalets voisins venus en badauds. Parmi les résidents du quartier, le maire de Chamonix, Éric Fournier, a fait une petite visite diplomatique et discrète pour remettre au réalisateur -dont il est fan- un livre sur le cinéma à Chamonix. En guise de remerciement, l'inspecteur Harry qui fut également maire d'une petite commune sur la côte californienne a répondu : « I love Chamonix ». Reperes LE TOURNAGE Dès 8h, hier matin, ça tournait. Rien n'est laissé au hasard. Même pour les figurants, de véritables infirmières ont été choisies pour faire encore plus vrai. Efficaces, les scènes s'enchaînent. En anglais, of course. En début d'après-midi, Marthe Keller, inoubliable Demoiselle d'Avignon, est un peu en difficulté avec la langue de Sheakspeare. On multiplie les prises. L'équipe du film devait terminer la journée par des plans au col des Montets en direction de la frontière suisse. Et dès aujourd'hui le tournage doit migrer vers un autre lieu, tenu secret. De sources proches du tournage, Clint Eastwood devait partir pour quatre jours à Paris en extérieur avant de traverser la Manche pour un mois à Londres. Et après ? Direction les studios de San Francisco. LA LOGISTIQUE Le Planet du haut de la vallée a été colonisé par une imposante logistique et une cinquantaine de personnes. Le réalisateur et ses acteurs sont arrivés dimanche à l'hôtel Albert 1er, l'étoilé le plus spacieux de Chamonix. Côté alimentation, monsieur Eastwood est très bio. Crudités, épinards et fruits au menu du déjeuner. Du côté des propriétaires de la résidence du Planet, certains regrettaient de ne pas avoir été prévenus. « Seuls le syndic de l'immeuble et la mairie ont donné leur accord. » D'autres, plus heureux et moins grincheux, faisaient partie des figurants. Le Dauphiné