L’espoir tient parfois à une corde qui chemine sur le flanc d’une montagne. En son faîte, vous aurez beau crier tous les messages, s’il n’y a que les choucas pour entendre, ils seront vains. Quand cette cime s’appelle le mont Blanc, toit de l’Europe occidentale (4 810 m), l’écho s’en trouve décuplé. C’était le cas hier matin, peu avant huit heures. Après 7 heures d’ascension et une très courte nuit au refuge des Cosmiques (3 600 m d’altitude), Françoise Guais et Christian Deville, montagnards les plus aguerris de la rédaction de France 3 Alpes, le preneur de son Gilles Coutable et la guide de haute montagne Anne Bauvois déployaient dans la neige éternelle la banderole où figurent les portraits d’Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier. “Nous ne vous oublions pas”, pouvait-on lire. Car aujourd’hui, samedi, voilà 200 jours que les journalistes du magazine “Pièces à conviction” et leurs trois accompagnateurs sont retenus en otage en Afghanistan. “On voulait que les images posées là-haut fassent bouger les choses”, explique Christian qui a filmé l’ascension, sa collègue portant la banderole. L’idée est née de deux autres journalistes de France 3 à Grenoble, Berry Sautel et Jean-Pierre Vincendet. Objectif : “Que nos deux confrères aient vent que leur portrait a été hissé sur le toit de l’Europe et qu’ils puissent de leur geôle, voir que d’autres partout dans le monde pensent encore à eux” a déclaré Vincendet. Et de poursuivre : “On veut montrer à nos dirigeants qu’on ne les oublie pas et maintenir la pression.” Justement, Rémy Pflimlin, nouveau président de France Télévision, nommé par Nicolas Sarkozy, a dit : “Je consacrerai toute mon énergie à les sortir de là où ils sont.” Le même geste pour Florence Aubenas et Ingrid Betancourt L’utilisation du mont Blanc comme caisse de résonance agace parfois. Mais quand la cause est juste et les moyens utilisés raisonnables, il n’y a rien de plus légitime. Christian Deville en vrai montagnard - son épouse garde un refuge dans Belledonne - le sait. Il connaît l’esprit. C’est pourquoi avec François Guais, il a tenu à cette ascension “by fair means”, là où d’autres avant n’ont pas eu de scrupules à recourir à l’hélicoptère pour grimper ou redescendre. Comme Zinedine Zidane l’an dernier pour l’association Ela. “Là, on n’est pas dans le bling-bling. Au moment où les journalistes sont attaqués, je trouve bien de défendre des types qui sortent des sentiers battus des voyages de presse et mettent en valeur la profession”, explique le reporter à son retour à Chamonix, après 15 heures d’effort. Parfois, on aime se raccrocher à certaines coïncidences. En 2008, le 1er juillet, alors que 27 femmes européennes acheminaient le drapeau du continent là-haut pour marquer la présidence française de l’Union européenne, le portrait d‘Ingrid Betancourt, détenue par les Farc en Colombie, était déplié juste à côté. Le lendemain, elle était libérée après six ans de détention. Trois ans auparavant, c’était la cause de Florence Aubenas, détenue en Irak qui sensibilisait les plus montagnards de ses confrères. Alors même qu’une expédition similaire s’apprêtait à quitter la vallée de Chamonix, la journaliste de “Libération” était libérée. REPÈRES Aujourd'hui, voilà 200 jours qu’Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier sont retenus en Afghanistan. Pour alerter le monde sur leur sort, leurs confrères de France 3 Alpes ont utilisé la tribune du mont Blanc, après 7 heures d’effort. Comme l’avaient fait avant eux les défenseurs de grandes causes : Solidarnosc, Ingrid Betancourt ou Greenpeace. Le Dauphiné