Il sait ce que c'est que perdre un proche en montagne, respecter le temps du deuil. Il a perdu son fils, là-haut. Mais il sait aussi les vertus de la prévention quant aux enjeux du manteau neigeux et de la juste information sur ce que l'on encourt en hors-piste. Aussi, Anselme Baud, ex-professeur à l'école nationale de ski et d'alpinisme, guide et pionnier du ski de pente raide nous fait part de son désarroi après ce lundi de Pâques meurtrier (NDLR, six morts dans les Alpes par avalanches). Non il ne fallait pas sortir ce jour-là, du moins pas n'importe où. Non, cet hiver, toutes les précautions n'ont pas été prises avant bien des accidents. Il le dit, l'assène. Pour que cela serve de leçon. Anselme Baud se dit alarmé que personne ne réagisse alors que quelque 17 guides français ont péri en seize mois. Il se dit agacé par le cortège des antiennes "fatalistes" qui suit chaque drame touchant les gens du pays. "Les règles de base du simple équilibre des matériaux" « Il y a lieu d'attendre deux à trois jours après une chute de neige avant de se lancer dans des itinéraires exposés. C'est la base. » Baud s'est rendu sur le lieu de l'accident qui dans la descente du col d'Encrenaz, en direction du vallon de Bérard, a coûté la vie à trois Haut-Savoyards. Il l'a analysé, décrypté : « Les jours précédents, il y a eu de la pluie jusqu'à près de 3 000 m, puis un coup de froid, donc de la croûte de regel, puis deux jours de neige, environ 60 cm à 2 600 m. » Ajoutez du vent de sud-ouest, donc une accumulation en versant nord-est et les conditions étaient propices aux départs d'avalanches. Sur la manière d'aborder la pente, là encore, le guide, grand théoricien, n'est pas surpris par le phénomène : « Les skieurs arrivent ensemble en haut de la longue pente convexe, où, en conditions sûres, on observe, on hésite avant de s'engager un par un. Trois d'entre eux démarrent ensemble, déstabilisent les ancrages fragiles d'une grosse épaisseur de neige posée sur la croûte dure. Or la pente est véritablement convexe, c'est la pire des situations. Les trois skieurs s'arrêtent ensemble. Pourquoi à cet endroit en plein centre de cette vaste pente ? ». Pour Anselme Baud, « C'est l'exemple fatal et terriblement triste pour les familles, mais il s'agit de se servir de cet exemple malheureux, un de plus pour alerter l'opinion. Et si on veut diminuer ces "suicides" collectifs dus au non-respect des règles de sécurité basiques, il faut redevenir proche du bon sens naturel. » Et de mettre en garde ses collègues professionnels : « C'est pire lorsqu'il s'agit de connaisseurs, de skieurs confirmés pleins d'enthousiasme à jouir d'une belle montagne pratiquée régulièrement. On prend de l'assurance et on oublie les règles de base du simple équilibre des matériaux. » REPÈRES Règles minimales de Sécurité 1- Après avoir analysé les risques potentiels, choisir un itinéraire qui n'est pas toujours le plus esthétique. Ne pas hésiter à renoncer. 2- Avant de s'engager dans l'itinéraire à la montée et surtout à la descente (sans traces), oublier que l'on est équipé de matériels types Arva, pelle, sonde ou sac ABS et que les secours peuvent venir. 3- Respecter impérativement les distances entre skieurs à la montée, à la descente et attendre le signal du premier descendeur. 4- Prévoir, en cas de doute, le lieu en sécurité pour s'échapper d'une coulée. 5- Toujours anticiper, prévoir, imaginer les conséquences d'une avalanche, d'une plaque déclenchée par soi ou autrui, voire une chute. 6- En cas de départ d'avalanche, pousser sur les bâtons et traverser au mieux vers l'extérieur. 7- Respecter les traces de sécurité en forme de peigne, soit en godillle serrée. Chaque skieur faisant sa trace collée à celle du précédent.
