C’est encordés à un relais sur une arête rocheuse de la voie de descente de ce sommet frontière entre France et Italie, que les corps sans vie d’Olivier Sourzac, guide de 47 ans, et de sa cliente, Charlotte Demetz, 44 ans, ont été retrouvés hier. Depuis leur dernier appel de détresse vendredi ils n’ont jamais pu se protéger de la tempête qui les a happés. Attachés à la paroi, 150 m sous le sommet Il est 11h25 et signe de la gravité de l’heure, des carabinieri et la maire de Courmayeur arrivent sur la base héliportée de la vallée italienne. “Là-haut, deux corps ont été repérés, immobiles”, confirme l’élue. “Pour le rapatriement, seule la nature gouverne”. L’hélicoptère italien décolle à nouveau. Deux secouristes et un médecin sont acheminés avec difficultés dans le secteur repéré. “On a trouvé les deux corps sur les rochers et superficiellement recouverts de neige. Ils étaient attachés à un relais, ils s’étaient assurés à la paroi”, explique Daniel Ollier, guide secouriste de la Guardia de Finanza. Sur place, le médecin constate le décès d’Oliver Sourzac et de Charlotte Demetz, disparus de huit jours, après avoir gravi la face nord par la pente du Linceul. Leurs corps sont congelés (température proche de 0°) et leurs sacs impossibles à ouvrir. Vers 13 heures, les dépouilles sont rapatriées sur la base héliportée italienne à 1200 m d’altitude. 100 m plus bas, le glacier et la neige Contrairement à ce que l’on avait espéré et aux indications du guide dans son dernier message de détresse, ils n’auraient pas pu se mettre à l’abri ou du moins rester confinés durant leur séjour là-haut, prisonniers de la face sud des Jorasses. “100 m plus bas c’était le glacier et la neige où ils auraient éventuellement pu creuser un trou”, estime Oscar Taiola. Pour Daniel Ollier, ils n’ont pas survécu à l’épisode de mauvais temps, aux températures de – 20° et aux vents de près de 100 km/h, dépourvus qu’ils étaient de matériel de bivouac et de sacs de couchage, partis pour une course qui en temps normal s’effectue à la journée. “Ils sont probablement morts de froid et se sont peut-être endormis avec leur hypothermie pour ne jamais se réveiller”, estime Daniel Ollier. C’est ainsi, 150 m sous le sommet de la pointe Walker et des Grandes Jorasses (4208 m), sur l’itinéraire de descente, que s’est conclu, après six jours de suspense angoissant, un drame humain, que d’aucuns, voulant se raccrocher aux ultimes espoirs, ont tôt fait de comparer au “fait d’hiver” de 1971, qui vit le surhomme René Desmaison survivre à 14 jours dans la directissime de l’éperon Walker. En l’occurrence on n’était pas en présence d’une tentative de première par des alpinistes élitistes, il s’agissait d’une histoire de cordée entre un guide passionné, basé à Passy (Haute-Savoie) et sa cliente parisienne, enthousiaste à l’idée de gravir la mythique face nord des Grandes Jorasses, par une voie certes d’envergure mais régulièrement parcourue. Leur marge était ténue, elle s’est épuisée, le mauvais temps est arrivé et le piège s’est refermé sur eux alors qu’ils tentaient de regagner la vallée, de l’autre côté. Le Dauphiné